Dans un contexte marqué par l’intensification du conflit dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC) et l’annonce de négociations directes entre Kinshasa et le Mouvement du 23 mars (M23), la nécessité d’une approche plus globale et inclusive est impérative estime le Dr Denis Mukwege.
Pour le Prix Nobel de la Paix, le conflit armé en RDC ne se résume pas à une simple rébellion locale. Il s’agit d’une crise géopolitique d’envergure, impliquant directement des puissances régionales comme le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi, mais aussi des acteurs internationaux aux intérêts stratégiques liés aux minerais critiques indispensables à la transition énergétique, aux industries de la défense et au spatial. Par ailleurs, des organisations régionales telles que la SADC et la EAC jouent également un rôle crucial dans la gestion de cette crise.
Le Docteur Mukwege pense que face à cette complexité, toute tentative de réduire le conflit à une affaire interne en privilégiant des négociations directes entre le gouvernement congolais et le M23 serait une erreur de diagnostic majeure. Une telle approche, sans une Conférence internationale pour la paix en RDC, risquerait de trahir les aspirations profondes du peuple congolais et de légitimer une occupation illégale du territoire national.
Pour sortir durablement de cette crise, Denis Mukwege appelle à la tenue d’une Conférence internationale pour la paix en RDC, avec pour mission de :
Revitaliser l’Accord-Cadre d’Addis-Abeba et renforcer ses mécanismes de suivi avec l’implication active de la communauté internationale ; Faciliter un dialogue inclusif intégrant toutes les parties prenantes : le gouvernement congolais, les groupes armés, la société civile et les acteurs politiques, dans un cadre concerté et légitime ; Mettre en œuvre une feuille de route cohérente, définissant des engagements concrets aux niveaux national, régional et international ;
Mobiliser des ressources financières et diplomatiques pour assurer une stabilité durable dans la région des Grands Lacs.
Cette Conférence devra être soutenue par les co-garants de l’Accord-Cadre d’Addis-Abeba, notamment l’ONU, l’Union Africaine et d’autres partenaires stratégiques de la RDC.
Avant toute négociation, Denis Mukwege juge qu’il est impératif que la résolution 2773 du Conseil de Sécurité de l’ONU soit appliquée dans son intégralité. Celle-ci exige : Un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel ; Le retrait total et sans condition des forces rwandaises et du M23 des zones occupées ; Un engagement international fort pour faire respecter ces décisions.
Pour lui, dialoguer sous la menace des armes reviendrait à institutionnaliser la loi du plus fort et à légitimer l’occupation illégale du territoire congolais. L’histoire récente nous a déjà enseigné que négocier sans garanties solides conduit inévitablement à des compromissions dangereuses pour la souveraineté nationale.
Pour Denis Mukwege les négociations directes ne devraient intervenir qu’après la consolidation d’un cadre international robuste, garantissant le respect de l’intégrité territoriale de la RDC et un dialogue équilibré. Dans cet esprit, il salue les efforts du Président angolais João Lourenço en tant que médiateur, tout en rappelant que toute initiative de paix doit s’inscrire dans les principes fondamentaux de l’Union Africaine.
À travers cette démarche, Denis Mukwege exhorte les décideurs congolais et internationaux à éviter les erreurs du passé, qui ont souvent sacrifié les intérêts du peuple congolais sur l’autel de solutions précipitées. La paix durable en RDC ne pourra être garantie qu’à travers un processus transparent, inclusif et fondé sur des principes clairs de souveraineté et de justice.
Junior Kulele