Alors que la République Démocratique du Congo est en pleine guerre d’agression orchestrée par le Rwanda à travers la rébellion de l’AFC/M23, des tensions grandissantes émergent à l’intérieur même de l’appareil sécuritaire national. En ligne de mire : la multiplication des arrestations d’officiers supérieurs et généraux des Forces Armées (FARDC), un phénomène qui suscite une vive controverse au sein de l’opinion publique et au sein même des rangs militaires.
Des voix se sont élevées, ces dernières semaines, pour dénoncer une vague d’interpellations jugée déstabilisatrice à un moment critique du conflit. Certains redoutent que ces arrestations ne démobilisent les troupes sur le front et n’ébranlent la cohésion nationale, pourtant cruciale dans un contexte de guerre.
Intervenant le mardi 3 juin 2025 lors d’un briefing de presse, le porte-parole des FARDC, le général-major Sylvain Ekenge, a tenu à clarifier la situation. Il a reconnu l’existence d’enquêtes et de procédures judiciaires à l’encontre de plusieurs hauts gradés, tout en insistant sur leur caractère strictement individuel.
« Il y a des officiers qui sont arrêtés pour des raisons évidentes. À Ndolo, certains ont été condamnés pour avoir détourné 20.000 USD. Un général a été emprisonné pour avoir autorisé le déplacement irrégulier d’un véhicule militaire qui a causé un accident. Imaginez ceux qui détournent 200.000 ou 1 million USD », a-t-il déclaré, en dénonçant les accusations de ciblage ethnique.
« Non, ce n’est pas une affaire de Swahiliphones. Chacun est détenu pour des infractions individuelles. » Face aux critiques sur la lenteur ou l’opacité des procédures, le général Ekenge a précisé que le traitement judiciaire est conditionné par le contexte de guerre : « La procédure en temps de guerre exige rigueur et minutie. On ne défère pas un officier à la justice militaire sans avoir tous les éléments. » Cependant, malgré ces assurances, plusieurs organisations de la société civile dénoncent des détentions arbitraires, parfois prolongées et sans procès.
Un consortium d’organisations non gouvernementales de défense des droits humains, parmi lesquelles Human Rescue et le Panel des Experts de la société civile, s’est dit profondément préoccupé par cette dynamique. Dans une déclaration conjointe, le consortium évoque la récente arrestation du général de brigade Pierre Banywesize, commandant adjoint des opérations à Dungu (Haut-Uélé) et ancien chef d’état-major particulier du président Joseph Kabila. Selon ces ONGDH, il aurait été interpellé au camp Kokolo alors qu’il attendait son transfert à l’étranger pour raisons médicales. Depuis, il serait détenu dans un lieu inconnu.
Autre cas cité : celui du général Banza Kabulo Joseph, ancien commandant second du secteur opérationnel Sokola 2 au Sud-Kivu, également arrêté dans des conditions floues à Kinshasa. Le bilan dressé par les ONGDH est alarmant : sur au moins 29 généraux détenus, 27 seraient d’obédience swahiliphone, en plus de plus d’une centaine d’officiers et sous-officiers, souvent maintenus dans des conditions ne respectant pas les normes internationales en matière de droits humains.
Si l’état-major affirme vouloir assainir les rangs pour garantir la discipline, les organisations de la société civile redoutent un climat de suspicion généralisée, dangereux pour l’unité nationale et le moral des troupes.
Dans un contexte d’agression étrangère, où l’effort de guerre devrait rassembler toutes les forces vives de la nation, cette vague d’arrestations soulève des interrogations légitimes. Le besoin de transparence, de respect des procédures légales et de traitement équitable pour tous les officiers, quelle que soit leur appartenance linguistique ou régionale, est aujourd’hui plus pressant que jamais.
La rédaction de b-onetv.cd