Le dialogue national en République démocratique du Congo (RDC), annoncé récemment par des prêtres catholiques et protestants, se heurte déjà à une contestation du gouvernement. Dans une déclaration officielle, Patrick Muyaya, porte-parole du gouvernement, a remis en cause la légitimité de cette initiative, affirmant que ces religieux n’avaient reçu aucun mandat du président de la République pour entamer des négociations. Cette prise de position soulève plusieurs interrogations quant aux intentions des organisateurs et aux perspectives réelles d’une réconciliation nationale.
Un processus lancé sans l’aval du pouvoir ?
Les évêques catholiques de la Conférence Épiscopale Nationale du Congo (CENCO) et les responsables de l’Église du Christ au Congo (ECC) ont souvent joué un rôle de médiateurs dans les crises politiques congolaises. Toutefois, cette fois-ci, leur initiative semble ne pas avoir été coordonnée avec le pouvoir en place. En affirmant que « le président de la République n’a donné aucun mandat aux pères religieux », Patrick Muyaya met en lumière une divergence entre les autorités et les initiateurs du dialogue.
Cette déclaration laisse entendre que le gouvernement ne reconnaît pas officiellement ces discussions comme une démarche institutionnelle, bien que Félix Tshisekedi reste, selon Muyaya, « ouvert à toute initiative contribuant à la paix et à la cohésion nationale ». Cela suggère que le pouvoir veut garder la main sur l’agenda et les modalités d’un éventuel dialogue, plutôt que de voir émerger une initiative indépendante risquant d’échapper à son contrôle.
Un dialogue national, mais pour quel objectif ?
L’annonce de ce dialogue intervient dans un contexte marqué par de multiples tensions en RDC : la situation sécuritaire dégradée dans l’Est du pays, la contestation politique post-électorale et la crise sociale grandissante. Face à ces défis, plusieurs acteurs politiques et sociaux appellent à un cadre de concertation pour éviter une exacerbation des conflits.
Cependant, sans un cadre clair et une reconnaissance officielle, ce dialogue risque d’être perçu comme une manœuvre d’un camp contre un autre. Le gouvernement, en rejetant cette initiative, pourrait chercher à éviter un précédent où des acteurs religieux s’imposeraient comme des faiseurs de paix en dehors des institutions de l’État.
Un précédent historique à considérer
L’histoire politique congolaise montre que les religieux ont souvent été au centre des négociations en période de crise. On se souvient du rôle clé joué par la CENCO lors de l’Accord de la Saint-Sylvestre en 2016, qui avait permis d’assurer une transition politique après la fin du mandat de Joseph Kabila. Aujourd’hui, la situation est différente : Félix Tshisekedi est réélu et cherche à asseoir son autorité face aux multiples défis. Il est donc peu probable qu’il accepte une médiation non sollicitée, surtout si elle remet en question la légitimité de son pouvoir ou de ses décisions.
Quelle issue pour cette initiative ?
Le dialogue national annoncé par les prêtres pourrait difficilement avancer sans une reconnaissance du gouvernement. Pour qu’il aboutisse, il devra obtenir un cadre légal et inclure les différents acteurs politiques, y compris ceux proches du pouvoir.
En revanche, si le gouvernement persiste à ignorer ou rejeter cette initiative, elle pourrait perdre en crédibilité et se transformer en une simple consultation sans impact réel. Dans un contexte où l’unité nationale est plus que jamais nécessaire, la question qui demeure est celle de savoir si ce dialogue sera un facteur de stabilisation ou une source de tensions supplémentaires.
L’annonce d’un dialogue national par des représentants religieux en RDC intervient à un moment charnière, mais elle se heurte déjà à des contestations. Entre la volonté affichée des religieux de promouvoir la paix et la prudence du gouvernement quant à un cadre de discussion non contrôlé, l’avenir de cette initiative reste incertain. La suite des événements dépendra de la capacité des acteurs concernés à dépasser leurs divergences et à instaurer un processus inclusif, accepté par toutes les parties prenantes.
La rédaction de b-onetv.cd