« Tous réseaux », « Kita mata », « Mugomboro », « Boma Mama »… Ces noms sont devenus familiers dans les rues de Kinshasa, où les aphrodisiaques circulent librement sous forme de poudres, comprimés, boissons énergétiques ou plantes. Une enquête récente de l’Institut de Sondage Les Points, menée du 3 au 7 avril 2025 dans les 24 communes de la capitale, met en lumière une consommation inquiétante de ces produits, notamment chez les jeunes adultes.
Les chiffres sont éloquents : la tranche d’âge de 27 à 35 ans représente à elle seule 75 % des consommateurs d’aphrodisiaques à Kinshasa. Cette tendance baisse avec l’âge : 53 % pour les 36 à 42 ans, 47 % pour les 43 à 50 ans, 31 % entre 51 et 60 ans, 17 % entre 61 et 70 ans, et une consommation presque nulle au-delà de 71 ans.
L’enquête, réalisée auprès d’un échantillon de 1 000 personnes interrogées par téléphone et en face-à-face, révèle une banalisation de l’usage de ces stimulants sexuels. Selon plusieurs témoignages, ces produits sont perçus comme une solution rapide face au stress, à la fatigue, ou à des problèmes d’estime de soi dans les relations intimes.
Mais derrière cette quête de performance, les spécialistes de la santé s’alarment. « La plupart de ces aphrodisiaques sont vendus sans contrôle sanitaire, souvent sur les marchés ou par des vendeurs ambulants, avec des compositions inconnues. Certains provoquent des troubles cardiaques graves, des insuffisances rénales, voire des AVC », avertit Dr. Aimée Musans, urologue à Kinshasa.
Des cas de dépendance psychologique, de troubles de l’érection ou de baisse de la libido naturelle sont également signalés par les professionnels. Chez les plus jeunes, ces produits peuvent créer de fausses attentes et des comportements à risque.
Au-delà de l’aspect médical, les sociologues interrogés estiment que ce phénomène reflète un mal-être plus profond, alimenté par la pression sociale autour de la virilité et la performance sexuelle. Ils appellent à une prise de conscience collective, mais surtout à des campagnes d’information ciblées.
Les autorités sanitaires sont quant à elles appelées à renforcer le contrôle des produits aphrodisiaques vendus sur le marché congolais, souvent importés sans régulation, parfois fabriqués localement dans des conditions douteuses.
Face à cette tendance qui prend de l’ampleur, médecins, éducateurs et leaders communautaires appellent à privilégier le dialogue, la prévention et la consultation médicale en cas de troubles persistants.
Junior Kulele