Les efforts diplomatiques s’accélèrent en Afrique centrale. Quelques semaines après la signature d’une déclaration de principes à Washington, les discussions avancent entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda, sous l’égide des États-Unis, en vue de parvenir à un accord de paix pour l’Est de la RDC et l’ensemble de la région des Grands Lacs.
Selon des sources diplomatiques citées par Reuters le mardi 10 juin, les États-Unis, par l’intermédiaire de l’administration Trump, tentent de faire aboutir un texte qui exigerait le retrait des troupes, des armes et du matériel militaire rwandais de l’Est congolais comme condition préalable à toute signature formelle. Cette proposition, contenue dans un projet d’accord de paix consulté par Reuters, a été validée par quatre sources diplomatiques qui affirment qu’il s’agit bien d’un document rédigé par des responsables américains.
Le projet américain vise un double objectif : mettre fin aux combats persistants entre l’armée congolaise (FARDC) et le mouvement rebelle M23 soutenu par Kigali, et favoriser l’arrivée d’investissements occidentaux massifs dans cette région riche en minerais critiques. En toile de fond, les négociations visent aussi à garantir aux entreprises américaines un accès privilégié à ces ressources stratégiques, dans le cadre d’un partenariat minier en cours de discussion entre Kinshasa et Washington.
L’ambassadeur américain Troy Fitrell, haut responsable du Bureau des affaires africaines, avait déjà souligné en mai l’urgence d’un accord rapide. « Si vous attendiez un accord de paix complet, vous auriez attendu pendant 30 ans. Nous voulons une évolution rapide. Et jusqu’à présent, les choses vont dans ce sens », avait-il déclaré.
Le texte proposé va au-delà de la déclaration de principes signée en avril par les ministres des Affaires étrangères des deux pays, en présence du secrétaire d’État américain Marco Rubio. Il prévoit notamment la création d’un Mécanisme conjoint de coordination sécuritaire, composé d’observateurs militaires rwandais et internationaux, chargé de surveiller les questions sécuritaires, dont la présence des milices hutu rwandaises sur le sol congolais.
L’accord inclurait également une disposition controversée : la participation du M23 à un dialogue national, « sur un pied d’égalité avec les autres groupes armés non étatiques ». Une concession majeure de la part de Kinshasa, qui considère toujours le M23 comme un mouvement terroriste soutenu activement par Kigali.
Du côté rwandais, cette exigence de retrait militaire suscite des réticences. Kigali continue de nier toute implication directe dans le conflit, affirmant que ses forces agissent uniquement en légitime défense face aux FDLR (Forces démocratiques pour la libération du Rwanda), un groupe armé hutu accusé d’être lié au génocide de 1994. Bien que plusieurs analystes s’accordent à dire que les FDLR ne représentent plus une menace significative, le gouvernement de Paul Kagame continue de les brandir comme justification sécuritaire.
À ce jour, le Rwanda n’a pas encore officiellement répondu au projet américain, bien que des discussions entre experts congolais et rwandais soient prévues cette semaine à Washington.
Depuis plus de deux décennies, l’Est de la RDC est le théâtre de conflits sanglants impliquant divers groupes armés nationaux et étrangers. Depuis 2021, les affrontements les plus marquants opposent les FARDC au M23, qui contrôle actuellement plusieurs zones stratégiques dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu, y compris les environs des villes de Goma et Bukavu.
La proposition américaine, bien qu’ambitieuse, pourrait offrir une nouvelle dynamique à un processus de paix longtemps enlisé. Reste à savoir si Kigali acceptera de faire les concessions exigées, et si Kinshasa pourra maintenir le cap diplomatique sans compromettre ses positions de principe face aux groupes rebelles.
Junior Kulele