Une fois encore, Kinshasa se noie. Et une fois encore, les dégâts auraient pu être évités – ou du moins limités – si les alertes de l’Agence Nationale de Météorologie et de Télédétection par Satellite (MettelSat) avaient été prises au sérieux. Dans la nuit du vendredi 4 au samedi 5 avril, une pluie diluvienne a plongé les quartiers Ndanu (Limete) et De Bonhomme (Matete) sous les eaux, emportant maisons, biens et illusions de sécurité.
Pourtant, la pluie n’est pas tombée sans prévenir. Quelques jours avant, la MettelSat avait publié un bulletin annonçant des précipitations intenses sur la capitale. Mais qui l’a entendu ? Qui en a tenu compte ? Trop souvent, cette agence pourtant nationale est ignorée : peu relayée par les médias, peu suivie par les autorités, encore moins consultée par la population.
La rivière Ndjili est sortie de son lit, transformant les routes en torrents et les ponts en barrages fragiles. À Ndanu et De Bonhomme, les images parlent d’elles-mêmes : enfants perchés sur des toits, familles déracinées, rues envahies par des flots boueux. Sur l’avenue Tourisme, surnommée ironiquement « Nzela ya mayi » (la route de l’eau), les voitures sont piégées, les piétons désemparés.
Et pourtant… la MettelSat fait son travail. Elle prévient, elle publie, elle alerte. Mais à quoi bon une agence météorologique si ses données ne sont ni consultées, ni intégrées dans la prise de décision ? Pourquoi manque-t-elle cruellement de moyens, d’équipements modernes, de visibilité publique ? Pourquoi les écoles, les radios, les administrations locales ne relaient-elles pas systématiquement ses prévisions ? Pourquoi les plans d’aménagement urbain continuent-ils d’ignorer ses recommandations ?
L’incapacité de Kinshasa à prévenir les désastres devient chronique. Le problème n’est pas seulement la pluie : c’est l’ignorance institutionnelle, le déni technocratique et l’abandon des outils de prévention. Tant que la MettelSat restera marginalisée, sans soutien technique ni politique, Kinshasa continuera d’être surprise par des événements pourtant annoncés.
Il est temps de cesser de traiter les catastrophes comme des fatalités. Il est temps d’écouter ceux qui préviennent avant qu’il ne soit trop tard. La MettelSat n’a pas seulement besoin d’être équipée. Elle a besoin d’être crue.
Emille Kayomba