Ce dimanche matin, Kinshasa s’est éveillée le cœur lourd, meurtri par une nuit d’horreur. Les pluies diluviennes qui se sont abattues sur la capitale dans la nuit de vendredi à samedi ont provoqué une crue sans précédent de la rivière Ndjili, qui, sortie furieusement de son lit, a dévasté tout sur son passage dans le district de la Tshangu. Ce qui n’était qu’un simple cours d’eau s’est transformé en un fleuve de désolation.

La route menant à l’aéroport international de N’djili, artère vitale de notre ville, est désormais méconnaissable. Inondée, impraticable, elle isole une partie entière de la capitale. Des centaines de voyageurs sont restés bloqués, des familles désespérées errent, sans nouvelles de leurs proches, coupées du reste du monde.
Dans les communes de Limete, Matete, Masina, Kinsenso et N’djili, la situation est apocalyptique. Les rues se sont transformées en rivières boueuses, les maisons sont submergées, les biens emportés. Des familles entières ont passé la nuit dehors, sans abri, grelottant sous un ciel sans pitié. L’eau a englouti leurs foyers, leurs souvenirs, leur sécurité.

Le gouverneur de la ville, Daniel Bumba, a confirmé ce que tout Kinshasa redoutait : il y a eu des pertes humaines. Derrière cette simple phrase se cache l’insoutenable douleur de familles brisées, de vies fauchées par les eaux impitoyables. Nos pensées les plus profondes accompagnent les victimes de cette tragédie, dans un silence empreint de respect et de douleur.
À Tshangu, c’est la détresse. Aucun plan d’évacuation n’a été mis en place à temps. Les habitants, livrés à eux-mêmes, ont tout perdu. “J’ai rebroussé chemin alors que je me rendais à l’aéroport pour un vol”, raconte un voyageur encore sous le choc. Une autre voix, tremblante, confie : “Je venais chercher mon petit frère à l’aéroport. Il est minuit passé… et je suis toujours bloquée, c’est le chaos total.”

Boulevard Lumumba, autrefois dynamique et bouillonnant, est aujourd’hui noyé sous les eaux. Les embouteillages monstres paralysent la ville. Des milliers de Kinois marchent sans but, piégés entre le désespoir et l’impuissance.
Le gouvernement, par la voix de la Première ministre Judith Suminwa, a déclaré suivre la situation de près. Mais sur le terrain, l’urgence humanitaire est palpable. Où sont les secours ? Où est le soutien logistique ? Où est le réconfort ? Kinshasa souffre. Kinshasa pleure. Et pendant que les flots se retirent lentement, ils laissent derrière eux une ville blessée, des cœurs brisés et un peuple en quête de réponses.

Un premier bilan officiel est attendu dans les prochaines heures, mais déjà, les dégâts sont incalculables. La capitale congolaise vit l’un des épisodes les plus sombres de son histoire récente. Que reste-t-il à faire, sinon espérer, prier, et reconstruire sur les ruines de l’oubli ?
Junior Kulele