Le rêve de redonner vie au mythique Marché Central de Kinshasa tourne-t-il au cauchemar financier ? C’est en tout cas l’alerte lancée par l’Observatoire de la Dépense Publique (ODEP), qui dénonce, documents à l’appui, un contrat de reconstruction aux allures de spoliation économique. Entre zones d’ombre, montage juridique bancal et endettement public risqué, les révélations autour du partenariat entre la Ville de Kinshasa et la société SOGEMA sèment le trouble.
Un contrat signé en catimini
En 2021, l’administration du Gouverneur Gentiny Ngobila signe un contrat avec SOGEMA SA, une société jusque-là inconnue du grand public. Sur le papier : un accord de partenariat pour la reconstruction et la gestion du Marché Central, fermé depuis 2020 pour travaux. En réalité, selon l’ODEP, il s’agirait d’un pacte déséquilibré, au détriment de la Ville de Kinshasa.
Le contrat accorde à SOGEMA : 25 ans de gestion exclusive du marché, 20 % de toutes les recettes générées (redevances, taxes, publicités…), Zéro investissement initial, car le projet est financé par un emprunt public, contracté par… le gouvernorat lui-même. « Une société sans capital, sans expérience dans le domaine des infrastructures, sans prise de risque. Et c’est elle qui rafle les fruits du plus grand marché de la capitale ? » s’indigne un membre de l’ODEP.
Pas de garde-fous, pas d’étude, pas d’audit
Plus inquiétant encore : aucune étude de faisabilité, aucun audit préalable, aucune obligation contractuelle de résultats ne figurent dans le contrat. La gestion des recettes est intégralement confiée à SOGEMA, sans mécanisme de contrôle indépendant ni transparence budgétaire. L’ODEP parle d’un « transfert de souveraineté économique à une société écran » et met en garde : si la dette n’est pas remboursée, c’est le Trésor public – donc les Kinois – qui en paieront le prix fort.
Une dette à haut risque
Alors que les travaux piétinent depuis trois ans, la dette contractée pour financer ce projet (le montant exact reste inconnu à ce jour) continue de produire des intérêts. En cas d’échec ou de litige, la Ville-Province de Kinshasa s’expose à des sanctions financières lourdes, sans même pouvoir récupérer la gestion de son marché.
Un scandale politique en gestation ?
Cette affaire pourrait devenir un sujet explosif. D’ores et déjà, plusieurs voix s’élèvent pour exiger la publication intégrale du contrat, un audit indépendant, et l’annulation pure et simple du partenariat.
Le Marché Central, lieu emblématique de la vie kinoise, devrait-il être l’objet d’un contrat opaque et léonin ? Pour l’ODEP, il ne s’agit pas d’un projet de modernisation, mais d’une manœuvre de prédation déguisée. Une affaire à suivre de très près.
Junior Kulele