La République Démocratique du Congo pleure, encore une fois. Une pluie, pourtant ordinaire pour cette saison, a suffi à révéler l’ampleur d’un désastre ancien, profond, structurel. Le pays est à nu. Chaque goutte tombée du ciel a soulevé la poussière d’un abandon collectif, a inondé les plaies d’un territoire que plus rien ne protège.
Kinshasa, Goma, Bukavu, Matadi… aucune ville n’est épargnée. Les érosions avancent comme des bêtes affamées, engloutissant maisons, routes et vies. Les rivières débordent, les collines s’effondrent, les flancs du Nyiragongo grondent, et l’homme, impuissant, observe, tremble, enterre.
Il n’y a pas de digue. Pas de canal d’évacuation. Pas de politique d’infrastructures fluviales. Pas de plan contre les risques volcaniques. Pas même un programme sérieux de grands travaux. La pluie n’a pas seulement inondé les rues. Elle a dévoilé une vérité amère : nos villes sont désorganisées, construites sans vision, sans ordre, sans avenir. C’est un chaos urbain entretenu par des années de laxisme, d’improvisation, de constructions anarchiques poussées par la misère et la survie.
À Kinshasa, le lit de la rivière Ndjili est sorti de son cours comme un cri de révolte. Les quartiers entiers ont été submergés. Le boulevard Lumumba est devenu un fleuve. L’accès à l’aéroport est coupé. Les embouteillages étouffent la ville, des centaines de personnes bloquées, les pieds dans l’eau, le cœur dans l’angoisse.
Les images se ressemblent : enfants en pleurs, femmes épuisées, hommes accrochés aux toits, des vivres emportés, des morts sous les décombres. Et pendant ce temps, les autorités regardent, à bout de souffle, dépassées par une réalité qu’elles n’ont pas anticipée, ou qu’elles ont trop longtemps ignorée.
Goma vit sous la menace permanente du volcan. Mais où sont les dispositifs d’alerte ? Où sont les plans d’évacuation ? Dans l’est du pays, les pluies réveillent les blessures d’une terre meurtrie, rongée par les conflits, la pauvreté et maintenant la nature en furie.
Il ne s’agit pas d’un épisode exceptionnel. Il s’agit d’un échec prolongé. D’un aveuglement collectif. Le pays entier est assis sur une poudrière climatique, géologique et humaine. Et la moindre étincelle – une pluie, un séisme, une coulée de boue – suffit à semer la tragédie.
La RDC mérite mieux que ce fatalisme. Mais pour cela, il faudra faire face à la vérité, dure, brutale : nous n’avons pas de plan. Ni pour nos villes, ni pour nos cours d’eau, ni pour nos volcans. Juste des réactions, tardives et mal coordonnées. Le ciel est tombé sur nous, mais ce n’est pas lui le problème. Le véritable désastre… est ici, sur terre.
Junior Kulele