Le ministre d’État en charge de la Justice, Constant Mutamba, rejette toute légitimité au procureur général près la Cour de cassation, Firmin Mvonde, dans l’enquête en cours sur un présumé détournement de fonds publics liés à la construction de la prison centrale de Kisangani. Dans une lettre adressée au magistrat, Mutamba demande sa récusation, ainsi que celle de tous les magistrats placés sous son autorité, évoquant un conflit d’intérêts manifeste.
« Votre intérêt personnel dans cette affaire, conjugué à l’inimitié née de ma lutte contre les antivaleurs dans le secteur judiciaire, justifie ma demande », écrit le ministre, qui évoque des motivations politiques et des règlements de comptes.
Au cœur de l’affaire : une enveloppe de 39 millions de dollars destinée à financer la construction de la prison de Kisangani, dans la province de la Tshopo. Le ministre se défend fermement de toute malversation, affirmant que la procédure suivie a été conforme, avec l’approbation préalable du Conseil des ministres.
« Il est incompréhensible de parler d’intention de détournement alors que le Premier ministre avait toute la latitude de valider ou rejeter le projet », argumente-t-il.
Constant Mutamba va plus loin : il affirme que l’enquête actuelle serait une riposte à une instruction qu’il avait lui-même déclenchée concernant un bien immobilier que le procureur général aurait acquis à Bruxelles, et plus globalement à ses réformes dans un secteur judiciaire qu’il qualifie de « gangréné », comme l’a aussi souligné le président Tshisekedi.
« Je suis victime d’un acharnement visant à neutraliser un acteur réformiste. Je réclame une instruction équitable, menée par des magistrats indépendants d’un autre parquet », écrit-il, invoquant l’article 59 de la loi n°13/011-B du 11 avril 2013, relative à l’organisation judiciaire en RDC.
Pendant ce temps, le procureur général Firmin Mvonde a officiellement transmis, ce lundi, un réquisitoire à l’Assemblée nationale, sollicitant l’autorisation de poursuites judiciaires contre le ministre. Un geste que Mutamba juge prématuré, rappelant que l’instruction préjuridictionnelle est encore en cours, et que sa troisième audition n’a même pas encore eu lieu.
L’affaire prend désormais une tournure à la fois juridique et politique, au cœur d’un bras de fer inédit entre l’un des plus hauts magistrats du pays et un membre influent du gouvernement Suminwa.
Emille Kayomba